Ecole européenne d’été - Biennale d’Histoire des Théories Linguistiques :
QU’EST-CE QUE L’HISTORICITÉ DES IDÉES LINGUISTIQUES ?
Ile de Porquerolles ( Var) – du 31août au 5 septembre 2009
L'historicité des idées linguistiques
Cette école thématique/université d'été est organisée par le laboratoire d’Histoire des Théories Linguistiques, avec la collaboration du CNRS, de l’Université Paris Diderot (Paris 7), de l’Université -Sorbonne Nouvelle-Paris 3, et avec le soutien financier du CNRS, du MEN.
Avec le thème de l'historicité l’équipe d’histoire des théories linguistiques souhaite pour cette troisième biennale (voir site de l'équipe HTL) aborder de front ce qui fait l’objet propre de son activité (sa nature, sa consistance empirique, ses conséquences sur la pratiques des linguistes, ses résultats…).
- Critique des présentismes
L'organisation actuelle de la production des connaissances ne favorise guère l'attention portée au passé des connaissances ni, au reste, l’attention portée à leur permanence. Guidée par une certaine idée de progrès qui la projette dans l'avenir, modelée par une certaine conception des sciences « dures » et de la rationalité (assimilée le plus souvent à l'innovation technique) devenue un prototype-modèle, elle se rend trop peu sensible à des formes de rationalité moins spectaculaires: celles, par exemple, qui n'apparaissent que par la prise en compte du long terme.
L'histoire des idées linguistiques, parce qu'elle plonge dans le passé le plus lointain et parce qu'elle fait l'objet depuis plus de trente ans d'investigations systématiques n'est-elle pas en mesure d'infléchir ce profond présentisme (téléologie des « précurseurs », prégnance du post- et néo- sont les indices les plus fréquents de cette « historiographie spontanée de savants ») qui affecte les représentations des connaissances et des relations entre pratiques et théorisations?
- Pluridisciplinarité spécialisée
Concernant un problème majeur de l'historiographie, elle s'assure évidemment la collaboration d'historiens. La perspective comparative adoptée implique par ailleurs la mobilisation de spécialistes de secteurs proches. Quid de l'historicité de la psychologie? de la sociologie? de la philosophie?... Que peut-on attendre de la confrontation avec des spécialistes d'histoire des sciences?
- Pluridisciplinarité raisonnée
Cette école, résolument pluridisciplinaire, a pour ambition de participer au développement d’une recherche intégrée sur les systèmes linguistiques et culturels et les concepts qui leur sont liés: les systèmes philosophiques, et la réflexivité de la pensée. En plus des différents secteurs de la connaissance, la philosophie et l'histoire sont donc ici concernées au premier plan.
Grands axes du programme
De la justification générale de la biennale (cf. supra) et à partir des objectifs qu'elle se fixe, les comités scientifiques et d'organisation proposent une structuration en cinq journées :
Représenter l'historicité
Centrée sur les problèmes historiographiques, cette journée proposera d'abord un tour d'horizon le plus complet possible des outils conceptuels à la disposition de l'historien et de l'historien des sciences.
Les deux ateliers parallèles seront consacrés A) à la manière dont l'historien des idées linguistiques peut traiter sur le long terme la question de la temporalité verbale; B) à l'intérêt que présente pour lui et aux problèmes que lui posent la notion de tradition, appliquée à des époques et des aires culturelles différentes.
Historicité et rationalité
La seconde journée aborde plus spécifiquement les problèmes croisés que posent l'histoire des sciences humaines et celle des mathématiques.
Les sciences humaines sont-elles l'ersatz, le brouillon ou plutôt la contestation radicale d'Une science de l'Homme? Comment s'articulent historicité et rationalité dans les différents secteurs de la connaissance anthropologique?
Sur le plan méthodologique y a t-il une philologie (sciences des textes et de l'archive) spécifique à des domaines aussi différents que les sciences de l'homme et les mathématiques?
Historicité / diversité / actualité
La troisième journée, trois conférences et un Grand Atelier encadrent la demi-journée consacrée à la découverte du patrimoine local.
Les trois conférences du matin abordent chacune à leur manière et dans leur champ la question de la permanence des connaissances derrière la variabilité des traditions ou la spécificité des moments qui les portent. Que signifient des expressions comme « tradition arabe » ou « tradition chinoise » en mathématiques ou dans d'autres disciplines? Y a t-il eu une « linguistique soviétique »? Quels rapports entretenait-elle avec la tradition grammaticale russe?
Consacré à l'histoire du présent, animé par des historiens dont le travail est tout entier engagé dans cette problématique, le Grand Atelier aborde sous un autre angle la question cruciale posée par l'historicité. Dans quelle mesure le coefficient d'historicité d'un événement est-il lié à l'éloignement dans le temps? Que peut l'histoire sur le présent?
Historicité et objectivité
Cette journée est plus particulièrement centrée sur la question classique du relativisme historique. Que nous apprend sur la nature des connaissances grammaticales et linguistiques le phénomène de « cynosure » (Halliday) des théorisations? Leurs disparition ou éclipses, leurs résurgences et reformulations? Leurs permanence ou rythme de péremption? Ne convient-il pas de dépasser l'alternative continuité/discontinuité? Comment?
Ces questions générales seront abordées, outre lors du cours inaugural centré sur la notion de « péremption », par deux ateliers dont l'un est consacré à l'histoire longue de la notion de « proposition » (écho à celui consacré à l'histoire de la temporalité verbale de la première journée) et l'autre à la question méthodologique de la « périodisation ».
Une historicité diversifiée
La journée de clôture (certes pas de conclusion) souhaiterait soumettre aux spécialistes des différents domaines l'hypothèse d'une historicité plurielle (elle est l'autre nom de la variabilité des pratiques et des idées qui en sont issues) et néanmoins organisée ou organisatrice sur le long terme. Ceci pose d'une part la question de l'invention ou de la découverte (conférence inaugurale consacrée à la question de savoir si les concepts peuvent avoir une sorte de « préhistoire »?) et, d'autre part, celle de formes de rationalité et d'historicité irréductibles à une simple « histoire des idées » (atelier ultime). En ce qui concerne l'histoire des idées linguistiques, en quoi consiste l'hypothèse des « outils linguistiques »? Quel est son rendement explicatif? Dans quelle mesure permet-elle de mettre en relation descriptions empiriques des langues, théorisations plus ou moins spéculatives et pratiques langagières effectives? Permet-elle de dépasser l'opposition « classique » entre histoire interne et histoire externe? Compréhension historique et compréhension théorique? Historicité et rationalité?
Sylvie Archaimbault, Christian Puech & Sylvain Auroux