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Journée Conscila « Néologie » du vendredi 16 mars 2007
salle des Actes, esc. A, 1 er étage, ENS, 45 rue d’Ulm 75005 PARIS
9h45 – 10h
Accueil et présentation de la journée : problématiques actuelles de la néologie
(S. Mejri et J.-F. Sablayrolles)
10h – 10h30 (et discussion10h40)
Michel Arrivé (Modyco, Paris 10)
Un néologisme sur le vif : la bravitude de Ségolène Royal
10h40-11h10 (et discussion 11h20)
Jean-François Sablayrolles (LLI-LDI, Paris 13)
Néologie et classes d’objets
11h20 - 11h40 pause
11h40-12h10 (et discussion 12h20)
Salah Mejri (LLI-LDI, Paris 13)
Néologie et traitement automatique
12h20 - 14h30 Pause
14h30- 15h (et discussion 15h10)
Jean Pruvost (Metadif-LDI, Université de Cergy)
De l’interprétation de la mention « néol. » apposée à plus de 500 mots d’un dictionnaire de synonymes et d’analogies de la fin du XX e siècle
15h10 - 15h40 (discussion 15h50)
John Humbley (LLI-LDI et Clillac, Paris 7)
Le point sur la néonymie
15h50- 16h10 Pause
16h10 – 16h40 (discussion 16h50)
Jean-Louis Vaxelaire (Clillac, Paris 7)
Noms propres néologiques dans le Canard enchaîné
16h50 - 17h10
Sondès Ben Hariz et Samia Yahmed (LLI-LDI, Paris 13)
Présentation d’un poster sur le protocole et les résultats d’une enquête sur le sentiment néologique
17h10 – 17h30
Discussion générale et conclusion de la journée
Présentation de la journée Conscila « Néologie »
du vendredi 16 mars 2007
salle des Actes, esc. A, 1 er étage, ENS, 45 rue d’Ulm 75005 PARIS
Problématique générale
La néologie constitue un domaine de recherche largement négligé dans le champ des études linguistiques, comme l’atteste la consultation de grammaires françaises, de manuels de linguistique générale, de manuels de lexicologie ou encore de dictionnaires de sciences du langage. Des équipes se sont néanmoins intéressées au phénomène linguistique qu’est la néologie, mais, pour diverses raisons, leurs travaux se sont interrompus (le CTN, le GRIL entre autres) ou le cadre théorique dans lequel elles s’inscrivaient (le modèle chomskyen du début des années 60 pour l’équipe de Guilbert, par exemple) est devenu obsolète. François Gaudin a donc bien raison de formuler, en 2000, des regrets sur l’absence d’une réflexion actuelle sur ce domaine.
En fait, aussi bien en France qu’à l’étranger (en particulier à Barcelone, à Lisbonne, à Rome, à Thessalonique ou encore à Sao Paulo…), des équipes actives se livrent à des travaux de réflexion sur le fait néologique, à des collectes de néologismes – de presse essentiellement - et à leur analyse, mais leurs travaux ne sont pas toujours bien diffusés au sein de la communauté des linguistes.
L’objectif de cette journée consiste à présenter certaines pistes empruntées actuellement dans les travaux qui se font en néologie. Malgré la diversité des points de vue qu’elles adoptent, toutes les communications ont comme point commun de montrer que la néologie n’est pas un épiphénomène langagier que les linguistes pourraient négliger, bien au contraire. Les néologismes entretiennent des rapports avec toutes les facettes de la langue et avec les diverses branches des sciences du langage : rien de ce qui est linguistique n’est étranger à la néologie et s’y intéresser en la mettant au centre de la réflexion conduit à mettre en relation ces diverses facettes et ces diverses branches. Le travail sur la néologie a incontestablement un pouvoir heuristique qui va bien au-delà du seul domaine néologique.
La néologie s’est ainsi invitée dans le débat politique de la campagne présidentielle avec le bravitude de Ségolène Royal, un « néologisme sur le vif » qu’analysera Michel Arrivé. Jean-François Sablayrolles s’intéressera au concept de néologie dans ses rapports avec divers cadres théoriques et aux retombées pratiques que cela implique. Le développement de l’outil informatique dans l’analyse et le traitement des langues a aussi des répercussions sur le travail relatif à la néologie, comme le montrera Salah Mejri. Les rapports entre la néologie et les dictionnaires sont multiples et complexes. Jean Pruvost examinera l’utilisation des marques néol. dans un dictionnaire de synonymes et d’analogies de la fin du XX e siècle. Après un moment de dédain de la terminologie pour la néologie, cette dernière connaît un renouveau d’intérêt et John Humbley fera le point sur la néonymie. La langue de la presse satirique a des particularités : elle s’intéresse à de nombreuses personnalités qu’elle nomme ou renomme et elle affectionne la néologismes : Jean-Louis Vaxelaire traitera des rapports de entre la néologie et les noms propres dans le Canard Enchaîné. Enfin Sondès Ben Hariz et Samia Yahmed rendront compte de la méthodologie, des objectifs et des principaux résultats d’une expérience sur le sentiment néologique.
Présentation des communications
Michel ARRIVÉ : Un néologisme sur le vif : la bravitude de Ségolène Royal
Apparemment, le nom bravitude comble tous les souhaits du chasseur de néologismes : il est daté, localisé, co- et contextualisé de façon aussi précise que possible (le 6 janvier 2007, par les soins de Ségolène Royal, sur la muraille de Chine, dans un contexte qui sera rappelé).
On commencera cependant par se poser la question du caractère totalement néologique de la formation. Selon certaines informations, bravitude serait communément utilisé par les adeptes des jeux vidéos. L’enquête est en cours. Tout renseignement sur ce point sera accueilli avec intérêt.
On s’intéressera ensuite à trois problèmes posés, à propos de bravitude, par le phénomène néologique.
Jean-François SABLAYROLLES : Néologie et classes d’objets
Les apories de la vision traditionnelle de la néologie ont conduit au développement d’une conception large et scalaire de la néologie, exposée dans La néologie en français contemporain (Sablayrolles, 2000) et à une refondation du concept de néologie dans ses rapports au fonctionnement de la langue et à ses descriptions. Nous montrerons en effet que c’est moins le concept de néologie qui est problématique que les insuffisances des descriptions linguistiques en particulier lexicales et lexicographiques qui servent ordinairement de pierre de touche dans l’identification des néologismes. Aussi le cadre théorique des classes d’objets développé au LLI-LDI semble-t-il à même de pallier nombre de ces insuffisances. Il offre en effet des perspectives stimulantes tant dans l’explicitation du concept (en fournissant des bases plus assurées par rapport auxquelles apprécier la nouveauté) que dans la mise au point d’outils de veille néologique et dans les diverses analyses des données incorporées.
Salah MEJRI : Néologie et traitement automatique
IL s’agit de présenter les outils élaborés au sein du Laboratoire LDI :
- la recherche automatique des formes déviantes,
- l’élaboration d’une méthodologie pour le repérage automatique des néologismes
de sens,
- la constitution d’une base de données.
Jean PRUVOST : De l’interprétation de la mention « néol. » apposée à plus de 500 mots d’un dictionnaire de synonymes et d’analogies de la fin du XX e siècle
En 1981, paraissait le Dictionnaire de synonymes, d’analogies et d’antonymes, rédigé par Roger Boussinot, chez Bordas. Ce dictionnaire, de nature extensive, offrait une nomenclature particulièrement riche avec plus de 80 000 mots présentés et il a correspondu à l’un des dictionnaires de synonymes les plus répandus de l’avant-dernière décennie du XX e siècle. Cet ouvrage, aujourd’hui en cours de révision, comportait de nombreuses marques d’usage et notamment la marque « Néol. ». Presque trente après, l’analyse exhaustive des mots portant ces marques, plus de 500, se révèle particulièrement révélatrice des diverses conceptions rattachées au signalement de la néologie. On se propose d’en faire l’inventaire exhaustif et l’analyse, tout en en tirant toutes les leçons utiles tant en termes de métalexicographie et de représentation, qu’en termes de lexicologie.
John HUMBLEY:Le point sur la néonymie
En 1981 le terminologue Guy Rondeau avait lancé le concept de néonyme pour rendre compte du néologisme dans le contexte de la terminologie. Il n’a guère connu la faveur des linguistes, mais l’évolution de la recherche semble remettre le sujet à l’ordre du jour. En effet, plusieurs axes de recherche de ces dernières années mettent la néologie terminologique au centre des préoccupations. Nous commençons par reprendre les postulats de base de la néonymie, tels que Rondeau les a formulés. Ensuite nous examinons des orientations de recherche susceptibles de fournir un modèle de néonymie. Trois directions de recherche se dégagent : la linguistique cognitive propose un schéma de création néonymique par métaphore ; la statistique lexicale un modèle incrémental ou compositionnel, et la linguistique textuelle un modèle discursif. Les trois modèles seront testés par rapport à un vocabulaire spécialisé néonymique, celui de la nouvelle économie. Il s’avère que les trois participent dans des proportions variables à la création de nouveaux termes, mais selon des modalités qui ne correspondent pas toujours à celles imaginées par Rondeau. Le sondage confirme toutefois la validité de la distinction postulée par Rondeau entre néonymie d’origine (la genèse des termes dans leur contexte et dans leur langue d’origine) et néonymie d’appoint (l’adaptation à d’autres publics ou à d’autres langues).
Jean-Louis VAXELAIRE : Noms propres et néologie dans le Canard enchaîné
Le nom propre a longtemps été considéré comme une catégorie grammaticale particulière qui ne relève pas directement de la linguistique. Pour en dégager une image plus juste, dans sa diversité et sa complexité, il convient de l’étudier en contexte, et en particulier au tamis de la néologie.
Lorsque l’on souhaite aborder la création néologique à partir de noms propres, le choix du Canard Enchaîné s’impose, notre corpus comprend donc tous les numéros de cet hebdomadaire publiés en 2005. Si le nom propre est parfois considéré comme intouchable, voire sacré, le Canard Enchaîné n’hésite pas à être iconoclaste et manipule les noms des personnages les plus en vue de l’actualité, hommes politiques, religieux et vedettes du spectacle.
Notre étude sera consacrée, dans un premier temps, à leur localisation au sein du texte, puis aux mécanismes de création de néologismes pour, finalement, conclure que les noms propres ne sont pas traités ici différemment des autres catégories grammaticales et qu’ils ne sont pas de simples étiquettes sans aucun lien avec la Langue. Ce sont des lexies dont les morphèmes ou les syllabes peuvent être réemployés pour faire évoluer les langues.
Indications bibliographiques sommaires
Arrivé Michel (2005), Verbes sages, verbes fous, éd. Lambert Lucas, Limoges.
Cusin-Berche Fabienne (2003) , Les mots et leurs contextes, Presses Sorbonne Nouvelle.
Depecker Loïc (2001), L’invention de la langue : le choix des mots nouveaux, A. Colin / Larousse.
Fiala Pierre et Habert Benoît (1989). « La langue de bois en éclat : les défigements dans les titres de la presse quotidienne française », Mots n°21, p. 83-99.
Grass Thierry, Humbley John, et Jean-Louis Vaxelaire (2006), La traduction des noms propres , Méta, Volume 51, n° 4, Presses de l’Université de Montréal, décembre 2006.
Gross Gaston (1994), « Classes d’objets et description des verbes », Langages n°115, pp. 15-30.
Gross Gaston (1996), « Rendre les dictionnaires plus actifs », Lexicographie et informatique, D. Piotrowski éd, Didier-érudition, pp. 195-212
Guilbert Louis (1975), La créativité lexicale, Paris, Larousse.
Humbley John (2000), « Évolution du lexique » et « la terminologie », Histoire de la langue française 1945-2000, G. Antoine et B. Cerquiglini éd., CNRS éditions, pp. 71-106 et 315-338.
Humbley John (2006), « Terminologie et nom propre », dans Bracops, M. (dir.), Des arbres et des mots : Hommages à Daniel Blampain. Bruxelles. Les Editions du Hazard. p. 107-124.
Humbley John (2006), « La néologie : interface entre ancien et nouveau » dans Greenstein. R (dir.), Langues et cultures : une histoire d’interface, Paris. Publications de la Sorbonne.
Humbley John (2006), « La traduction des métaphores dans les langues de spécialité : le cas des virus informatiques », Lynx n° 52, pp. 49-62.
Langage n° 36 (1974), « La néologie lexicale » sous la dir. de Louis Guilbert.
Langages n° 131 (1998) « Les classes d’objets », sous la dir. de Denis Le Pesant et Michel Mathieu-Colas.
Lerat Pierre (1988), « Les activités du centre de terminologie et de néologie », La banque des mots, n° spécial, pp. 5-10.
Mathieu Y.-Y., Gross G., Fouqueré C. (1998), « Vers une extraction automatique des néologismes », Cahiers de lexicologie n° 72, 1998-1, pp. 199-208.
Mejri Salah (1995), La néologie lexicale, Publications de la faculté des lettres de la Manouba.
Mejri Salah, (1997), Le figement lexical, Publications de la faculté des lettres de la Manouba.
Mortureux Marie-Françoise (2002), « Néologismes journalistiques », Le signe et la lettre, hommage à Michel Arrivé, ( textes réunis par Jacques Anis, André Eskénazi et Jean-François Jeandillou), L’Harmattan, pp. 377-389.
Pleciński Jacek (2002). Le ludisme langagier, Toru, Wydawnictwo Uniwersytetu Mikolaja Kopernika, 351 p.
Pruvost Jean (2000), Dictionnaires et nouvelles technologies, PUF.
Pruvost Jean (sous la direction de) (2001), Les dictionnaires de langue française, Champion.
Pruvost Jean (2006), Les dictionnaires français, outils d’une langue et d’une culture, Ophrys.
Pruvost Jean et Sablayrolles Jean-François (2003), Les néologismes, que sais-je ? n°3674, PUF.
Quemada Bernard (1971), « À propos de la néologie : essai de délimitation des objectifs et des moyens d’action », La banque des mots n° 2, pp. 137-150.
Quemada Bernard (sous la direction de —) (1993), Mots nouveaux contemporains 1, Matériaux pour l’histoire du vocabulaire français, CNRS, Paris, Klincksieck.
Rastier François (1997). « Défigements sémantiques en contexte », in M. Martins-Baltar (éd.) : La locution, entre langues et usages, Paris, ENS Éditions, p. 305-329.
Rey Alain (1974), « Essai de définition du concept de néologisme », Actes du colloque international de terminologie, O.L.F., 1974, Québec.
Rey Alain (1976), « Néologisme, un pseudo concept ? », Cahiers de lexicologie n° 28, 1976, pp. 3-17.
Roche Sorcha et Bowker Lynne (1999). « Cenit : Système de détection semi-automatique des néologismes », Rint, n°20, p. 12-16.
Sablayrolles Jean-François (2000), La néologie en français contemporain, Champion.
Sablayrolles Jean-François (2002), « Fondements théoriques des difficultés pratiques du traitement des néologismes », Revue française de linguistique appliquée, vol. VII-1. / juin 2002 « Lexique : recherches actuelles », pp. 97-111.
Sablayrolles Jean-François (sous la direction de) (2003), L’innovation lexicale, Champion.
Sablayrolles Jean-François (2006), « La néologie aujourd’hui », À la recherche du mot : De la langue au discours, sous la direction de Claude Gruaz, Lambert-Lucas, Limoges, sept. 2006, pp. 141-157.
Sablayrolles Jean-François (2006), « Terminologie de la néologie : lacunes, flottements et trop pleins », actes de la journée La terminologie linguistique, organisée par Franck Neveu, à Caen, Syntaxe et Sémantique n° 7, Presses universitaires de Caen, décembre 2006 pp. 79-89.
Vaxelaire Jean-Louis (2005), Les noms propres – une analyse lexicologique et historique, Champion.
Vaxelaire Jean-Louis (2006) « Le nom propre en contexte", in D. Blampain, Ph. Thoiron & M. Van Campenhoudt (dir.), Mots, termes et contextes, Paris, Éditions des archives contemporaines, p. 591-597.